Mickaël Bouffard, historien de l’art et metteur en scène
Docteur en histoire de l'art, Mickaël est le co-directeur scientifique et artistique du Théâtre Molière Sorbonne. Portrait de ce natif de Québec au parcours atypique.
Né en 1983 dans la région de la Beauce, au sud de Québec, Mickaël Bouffard s’est très vite passionné par l’histoire de l’art. En 2013, après l’obtention de son doctorat, il décide de s'envoler pour Paris où il y étudie les fonds du Louvre et réalise son post-doc à Sorbonne Université.
De la recherche à la mise en scène, il n’y a qu’un pas que Mickaël franchit en co-réalisant, l’année passée, Le Malade imaginaire en version historiquement informée. Portrait.
L'histoire de l’art : un rêve d’enfant
Quand j’étais petit, j’ai voulu être diplomate puis architecte. Plus tard, alors que j’étais sur le point d’envoyer mon dossier d’inscription pour étudier l’architecture, j’ai été saisi d’un doute. Je venais en effet de suivre mon premier cours d’histoire de l’art, une discipline dont j’apprenais l’existence. J’ai donc mis l’architecture de côté et à 19 ans, j’ai quitté Québec et me suis inscrit en histoire de l’art à l’Université de Montréal. J’ai étudié cette discipline pendant dix ans jusqu’à l'obtention de mon doctorat.
En amour avec Paris *
Mon cœur a un temps balancé entre les Pays-Bas et la France. En effet, grâce à l’obtention d’une bourse d’excellence canadienne, j’ai eu la chance de pouvoir faire de la recherche à Amsterdam et on m’a alors offert l’opportunité de poursuivre dans cette voie là-bas.
Mais en 2017, on m’a proposé d’étudier les prestigieux fonds du Louvre ! La décision a été vite prise. J’ai choisi la France et Paris par amour pour cette ville, pour le Louvre… et aussi pour la Sorbonne. Au Québec, Sorbonne Université jouit d’une réputation quasi-mythique, la plus ancienne et prestigieuse des universités francophones. C’était un rêve de pouvoir faire un post-doc au sein de cet établissement iconique !
* Expression utilisée au Québec équivalente à « être amoureux » - traduction littérale de l’anglais “in love with”.
La passion de la danse baroque
En parallèle de mes études en histoire de l’art, j’ai pris des cours du soir en danse baroque. J’avais aussi testé d’autres types de danse - swing, ballet jazz, ballet classique… - mais la musique ne me plaisait pas autant.
J’ai dansé d’abord en amateur, et comme il n’y avait pas beaucoup de garçons, mes professeurs de danse m’ont incité à persévérer. De fil en aiguille, j’ai pratiqué de plus en plus, je faisais également quelques animations et présentations par-ci par-là.
Aussi, j’ai pu venir tous les ans en Europe : en Suède et en France, à Sablé-sur-Sarthe (Pays de la Loire) où il y avait d’importants stages de danse baroque. J’ai fini par obtenir des contrats pour danser des ballets et des comédies-ballets au Canada et en France, et j’ai même eu la chance de danser dans des opéras à l’international comme ceux du Boston Early Music Festival. Je me suis mis aussi à faire de plus en plus de chorégraphies.
La dernière fois que je suis monté sur scène pour danser, c’était en 2020 et je me suis rendu compte que j’y prenais moins de plaisir qu’autrefois, le plaisir d’être dans les coulisses d’un spectacle, à l’inverse, devenait de plus fort.
Je n’ai pourtant pas voulu chorégraphier Le Malade imaginaire. Mais même si j’en avais eu le temps, ce qui n’était pas le cas, le grand spécialiste de l’histoire de la technique chorégraphique des années 1660 et 1670 est sans conteste Hubert Hazebrouck. Il s’imposait dans ce projet si l’on voulait que les ballets soient en phase avec les derniers développements de la recherche !
Quand la recherche prend le pas sur la danse
Après 2014, j’ai réduit la cadence car la recherche me prenait beaucoup de temps. Je dansais moins mais continuais à faire quelques conférences dansées et de la chorégraphie. Depuis mon arrivée à Paris, cela paraissait plus compliqué, surtout financièrement… donc j’ai pratiqué de moins en moins. Et surtout, j’avais de plus en plus de recherches à faire, de conférences et de colloques.
Je me suis toujours intéressé aux gestes dans l’art, aux techniques du corps. Quand j’étais danseur, je me demandais souvent si, entre deux danses, les gestes que je faisais étaient historiquement corrects. Je voulais comprendre pourquoi on adoptait telle ou telle position…
J’avais aussi très envie d’expérimenter et de faire de la recherche appliquée. En 2017, j’ai été approché par Jean-Noël Laurenti et Georges Forestier pour fonder avec eux le Théâtre Molière Sorbonne, et je suis passé progressivement à la mise en scène. L’un des avantages de passer de l’autre côté du rideau, c’est de ne plus ressentir le trac le jour d’un spectacle. Certes, en tant que metteur en scène, je stresse en amont, durant la préparation, mais plus du tout une fois que le rideau se lève. C’est appréciable !
Un emploi du temps bien chargé
Pendant toute la durée du projet du Malade imaginaire, je travaillais le soir (et parfois la nuit…) sur mes recherches et sur ma correspondance électronique, et en journée, je courais dans tout Paris enchaînant rendez-vous sur rendez-vous, répétitions sur répétitions.
Mon emploi du temps idéal ? Avoir une journée en bibliothèque chaque semaine, une autre journée dédiée à l’enseignement et le reste du temps qui se partagerait entre de la recherche, des répétitions… et forcément, répondre à mes maints courriels !
La confiance de Sorbonne Université
Ce que j’ai le plus apprécié dans la mise en place du Malade imaginaire ? La possibilité d’avoir eu du temps et des moyens pour être le plus fidèle possible à l’œuvre de Molière.
Tout cela a pu se faire grâce à la confiance que Sorbonne Université nous a accordée. L’université était derrière nous jusqu’au bout ! Elle a su reconnaître l’intérêt de la recherche appliquée dans le champ des études théâtrales et la dimension patrimoniale de ce travail d’archéologie sur les techniques théâtrales et scéniques de l’époque. Nous avons pu réaliser ce fantasme scientifique et artistique, et pousser l'expérience au-delà de ce qu’on pouvait espérer.
Un retour au Québec ?
Même si j'aimerais un jour exporter l’expertise du théâtre historiquement informé au Québec, mon objectif est de rester en France. Il y a trop de possibilités de créations ici ainsi qu’une variété et une richesse dans tous les domaines de la vie. Je me sens bien en France et en compagnie des Français !